Hope is the only thing that humans need.

 

Il commençait à faire nuit. En cette période les journées étaient courtes et les nuits très longues. Il faisait légèrement froid en soirée. Il était déjà levé. Depuis qu’il s’était retrouvé avec un level 1 sur les bras, il ne savait plus trop où donner de la tête et même cela le bouleversait totalement. Et puis depuis qu’il était rentré, il évitait certains endroits de la ville. Il ne s’était jamais senti prêt à l’éventualité de le recroiser, lui, ce calice aureus sanguis avec qui il avait partagé de longues discussions. Se regardant dans le miroir de sa salle de bain, il se demandait quand il avait bien pu sentir cette chaleur nouvelle remplir son cœur froid. Il poussa un soupir. Il aurait tellement aimé pouvoir lui dire tout, et se lier à lui pour la vie. Mais après tant de temps passé si loin de Séoul, le calice avait dû l’oublier. Cette pensée lui fit mal dans la poitrine.

D’humeur nostalgique, il avait quitté son duplex pour se rendre à un endroit bien particulier où il avait été pendant longtemps un des habitués. Un petit café tranquille où il avait partagé de nombreux moment avec ce calice, Kim Min Soo. Jusqu’ici, il n’avait jamais voulu remettre le moindre orteil dedans. Ce soir, il avait envie d’y aller. Parce qu’il ne pouvait pas s’empêcher au final de penser à lui tout le temps. Et il voulait retrouver la chaleur qu’il ressentait toujours dans cet endroit. Il faisait le trajet qu’il prenait tout le temps juste pour y aller et le voir.

Dire qu’à cette époque il était marié et qui plus est à l’une de ses amies. Il n’avait jamais su si elle et Min Soo s’aimaient.  Mais parce qu’il avait toujours été ce garçon respectable qui ne vole pas les personnes ou choses des autres, il avait toujours tout gardé pour lui. Tous les jours, il mourait d’envie de le voir et de passer un bon moment avec lui. Et encore plus aujourd’hui. Plus il pensait à lui plus il se demandait comment il allait, s’il avait grandi ou changé, ce qu’il faisait… Alors qu’il pensait à tout ça, il arriva devant le café.

Sera-t-il là ? Ou pas ? Pouvait-il penser qu’un jour ils pourraient être ensemble ? Il poussa un soupir se trouvant bête et poussa la porte du café. Il rêvait ? Min Soo était là. Il cligna deux fois des yeux, immobile dans le hall du café. Il était à leur table. Il ne pouvait pas se tromper. Ce visage il le reconnaîtrait entre mille. Il sentit un tiraillement dans sa poitrine. Un serveur vint le voir pour lui demander ce qu’il voulait. Cela le sortit de son immobilisme et de son absence. Et instinctivement, il commanda ce qu’il prenait à chaque fois qu’ils se voyaient. Ceci dit… devait-il se mettre à une autre table ou bien… Directement face à lui ? Il ne savait pas du tout comment agir. D’autant plus qu’il se doutait qu’il l’avait vu.

Il se décida alors à affronter la situation. Il prit son courage à deux mains et se dirigea vers lui, les yeux légèrement baissés. Il s'installa même devant lui. Très mal à l'aise, il leva les yeux vers son vis à vis. Que faire ? Que dire ? Il reçu sa boisson mais ne s'en préoccupa même pas un instant. Dans sa tête tout un tas de questions et amorces défilaient : comment tu vas, Ca fait longtemps, qu'est ce que tu deviens, tu m'as manqué,...

-... Tu... n'as pas changé...

Il avait dit cette phrase sans vraiment réfléchir, se rendant compte même qu'elle avait glissé hors de ses lèvres. Il se crispa d'avantage. Il remarqua le roman, abimé à force de lecture, et cela le toucha terriblement. Il se demandait combien de fois il l'avait lu. Il remarqua aussi qu'il avait pris sa boisson habituelle. Au final, pour être honnête, il ne redoutait qu'une seule chose : qu'il l'ait attendu toute ces années.  

Hope is the only thing that Humans need.

« Le changement n’est nullement physique. »

Bien sûr, bien sûr qu’il l’avait vu. Lui qui avait déposé son regard sur l’entrée à cette heure précise, qui avait entendu le carillon sonné à l’ouverture de la porte. Il l’avait vu lui, et avait eu la même réaction : cligner des yeux à plusieurs reprises comme pour vérifier que ce n’était pas un mirage. Il s’était même discrètement pincé le dos de la main. Mais non, c’était bien la réalité. Alors, comme s’il avait peur, lui qui l’avait pourtant attendu au plus profond de lui, il détourna le regard, se concentrant sur sa tasse avec laquelle il se mit à jouer délicatement, caressant les bords de la tasse du bout de son index. Il sentit son corps trembler, ressentant toujours un peu plus une nervosité perceptible.

Allait-il partir où se mettre à une table quelconque, faisant semblant de ne pas connaître le calice ? Rien de cela, puisqu’il se plaça devant lui. Fixant sa tasse, il déglutit avant de lentement relever les yeux vers celui face à lui. Son regard était brillant, brillant de nostalgie. Mais sa gorge, elle, était serrée, au contraire d’autrefois où il se sentait serein. Puis le vampire combla le silence. Un bref sourire sans réelle joie, répondant du tac au tac, ne se reconnaissant d’ailleurs pas. « Normal, être devenu calice a certains bons côtés. »

Il s’en mordit les doigts au fond de lui. Cela ne servait à rien d’agir de la sorte. Mais au fond de lui, il lui en voulait. Et il allait lui faire savoir. « Toi non plus tu n’as pas changé. Toujours ‘vivant’. J’avais pensé que tu étais mort pour de bon quand tu as disparu. Tu sais, sans rien dire. Me fuyant comme si j’étais un pestiféré. »

Non, ce n’était pas lui. Pourquoi agissait-il comme ça ? Il avait tant de rancœur au fond de lui… Il vint masser sa tempe, ravalant son flot de méchanceté. Il déposa sa main tremblante sur le livre et le poussa vers lui doucement. « Je suis quand même content de savoir que tu n’as rien. Sachant ça, je peux enfin respirer à nouveau, passer à autre chose et ne plus me sentir prit de remords. » Je vins prendre la tasse et la porter à mes lèvres pour en boire le breuvage et combler le blanc.

Il la redéposa puis soupira un bon coup. Il était énervé et heureux à la fois. Heureux qu’il soit saint et sauf, heureux également au fond de lui de le voir. Mais savoir qu’il l’avait abandonné comme ça, après leur rapprochement, sans un mot, sans explications, sans raison qui, en tout cas d’apparence, avait une réelle importance.

Souriant en apparence avec douceur, il n’en cachait pas moins son malaise. « Sinon, comment vas-tu ? Qu’es-tu devenu ? »

 

Assis devant Min Soo, Yong Nam n'était pas du tout à l'aise. S'il pouvait disparaître dans un coup de vent il l'aurait fait. Se retrouver ainsi devant lui n'était pas aussi simple qu'il l'avait pensé. Oui. Bien des fois il avait imaginé leurs retrouvailles se demandant comment ça arriverait. Toutes les possibilités avaient été envisagées. Les plus heureuses comme les plus cruelles. Maintenant que c'était réel, il sentait la différence. Et ce n'était pas si simple. C'était même complexe et extrêmement difficile. Comment engager la conversation dans le cas où l'on se retrouve face à l'être le plus cher que l'on n'a pas revu depuis deux ans et quelques mois ? Le temps n'aide en rien. Surtout lorsqu'il est important pour les humains. Et puis tiens, avait-il vraiment bien fait de s'assoir devant lui ainsi ? Peut-être était-ce bien trop entreprenant. Il pensait trop. Crispé il avait même lâché une amorce dont il percevait toute la maladresse. La réponse de son vis-à-vis la lui fit sentir davantage. Mais la froideur le marqua aussi.

Encore moins à l'aise, il baissa un peu les yeux, prenant une gorgée de sa boisson. La suite des propos du calice le blessa un peu. Vivant ? Il ne se sentait pas ainsi du tout. Lentement, il reposa sa tasse. Il ne s'était jamais sentit aussi malade. S'il était parti en plus, c'était dans le but de tenter de calmer la torture que lui valait de le savoir marié. Mais à quel prix ? Il regrettait davantage de ne pas être resté pour cette fois l'avoir juste pour lui. Oui il savait. Et ce n'était pas l'odeur du calice mêlée à celle de son propriétaire qui le lui avait signalé ce détail. Non. Il le savait depuis qu'il était rentré. Et son mal en a été que plus fort. Les doigts crispé sur sa tasse, il serrait quelque peu les dents. Il regarda Min Soo lorsque ce dernier lui faisait sentir comment il avait perçu son départ précipité. Un pestiféré ? Si ça avait été le cas, jamais il ne l'aurait approché, ou pire, il le lui aurait fait savoir. Lui intimant de ne plus l'approcher.

- Tu as raison. Je suis parti comme un voleur, ne tenant au courant que Mr Kim, mon secrétaire, ce quinquagénère qui a toujours travaillé pour moi, et qui m'avait signalé une crise au sein de mes affaires aux Etats-Unis. Mort ? J'aurais bien voulu l'être dans le fond, grillé sous le soleil californien, me délivrant ainsi d'un mal qui me ronge depuis un moment déjà.

C'était mal. Mal de parler ainsi. Mais il n'avait pas su formuler les choses autrement. Les mots sortaient plus vite que ses pensées. Il se frappa mentalement d'avoir pu répondre ainsi. Ceci dit, vu la grandeur de son regret, un de plus ou un de moins, qu'est ce que cela pourrait changer ?

Le livre fut rapproché de sa personne. Non. Il n'allait pas le récupérer. Il pourra le garder. Après tout, vu son état, il lui était cher et il n'allait donc pas l'en séparer.
Un sourire léger mais emprunt d'une espèce de tristesse se dessina sur son visage :

-  Alors je suis heureux que le simple fait de me voir puisse te permettre d'avancer. Moi-même je suis heureux de voir que tu vas bien. Même si cela ne me libère pas de ce qui me pèse depuis des années.

Non. Le voir dans le fond ne l'aidait pas. Mais ne pas le voir était pire. Il ne savait pas trop ce qu'il ressentait à présent. Ne s'étant pas attendu à tant de froideur, il se sentait à la fois heureux de le voir dans ce café, nostalgique, mais aussi malade et blessé. Malade d'amour pour lui. Blessé de voir qu'il ne sera rien que ce qu'ils ont toujours été. Sans doute. Il sentait les choses tourner ainsi. La rancoeur du calice était si perceptible qu'il n'osait même plus croire que ça pourrait remarcher ou avancer.

-  Comment je vais ? Ca va. Le boulot est suffisamment prenant pour que j'ai la tête occupée par tout un tas de choses. Et puis... J'ai un level 1 à éduquer à présent. Tout ça à cause d'un accident.

Il n'osa pas le fixer en disant ces mots, il préféra toucher délicatement sa tasse. Mais ce qui lui ronge l'âme était assis en face de lui. Et il trouva bien de lui dire qu'il avait transformé quelqu'un, lui qui avait jamais osé mordre une seule gorge depuis qu'il le connaissait. Il se demanda même si le calice s'en était rendu compte...

- Et toi ? Qu'es-tu devenu depuis?

Hope is the only thing that Humans need.

«Se sentir humain à travers l'existence de l'autre.»

Min Soo savait parfaitement qu’il en voulait à Yong Nam depuis qu’il avait disparu, le laissant seul, incapable d’imaginer un nouveau futur possible que celui d’être indéfiniment le mari d’une femme qu’il n’avait aimé que comme une amie et qui ne ferait jamais de lui un calice alors qu’il avait été éduqué dans ce but précis. Même lorsque cette histoire, ce mariage, prit fin, sa rancœur n’avait pas diminuée. Au contraire. Peut-être même qu’il lui en avait d’autant plus voulu. Il s’était sentit seul, et il avait eu besoin d’un responsable. Et même s’il se savait être la personne qui avait orchestré d’une certaine manière son divorce, il en voulait à ce vampire, qu’il rencontrait si souvent, qui lui donnait cette impression d’importance qu’il partageait, il lui en voulait de ne pas être là pour saisir sa chance. Et ce sentiment si douloureux fut, avait-il crut, à son paroxysme lorsqu’il prit tout simplement conscience que plus que de l’amitié, plus qu’une relation d’importance, il avait éprouvé pour ce déserteur un sentiment qu’il n’avait pu contrôler, un sentiment d’amour. Un amour qui n’avait selon lui jamais été partagé. Il lui en avait voulu de l’avoir fait l’aimé à sens unique et d’avoir créé un espoir en lui qui fut brisé aussi vite qu’il avait prit place.

Pourtant, grâce à Kyang Ja qui lui avait donné un nouveau sens, et libéré d’un poids, il avait cru pardonner cet apparent jeune homme. Il avait même préféré se dire que celui-ci était mort. Si le sentiment amoureux l’avait frappé une fois, peut-être frapperait-il un jour à nouveau, lorsque Kyang Ja se serait lassé de lui et n’en voudrait plus. Il s’était également dit que peut-être il était mort. Dans un sens, bien que cette perspective ait pu être douloureuse, elle lui était plus facile à vivre. Ainsi, l’abandon n’aurait pas été volontaire et peut-être avait-il été aimé sans qu’ils n’aient pu en discuter. Et cet endroit était devenu un sanctuaire. En fait, depuis qu’il était calice, il avait reprit un peu confiance en lui et se sentait un peu plus léger. Et ce fut d’ailleurs grâce à ça qu’il mit à nouveau les pieds dans ce café qu’il avait en quelque rendu comme un temple de souvenir, un moyen d’espérer encore le revoir passer le pas de la porte mais également un moyen de faire le deuil. Tôt ou tard, il l’aurait oublié, certainement. L’être humain n’était nullement doué d’une mémoire infaillible et le temps permettait de panser bien des plaies, d’oublier les sentiments liés à quelques souvenirs que ce soit, ou au moins à en diminuer progressivement l’intensité, au point de simplement réussir à mettre un nom de sentiment à un souvenir particulier, sans se rappeler les sensations éprouvées.

Mais le voir avait été comme un électrochoc. Il était vivant, en parfaite santé, en Corée et plus précisément dans ce café, à la place qu’il occupait autrefois. Au fond, un part de Min Soo saignait, il pleurait intérieurement ce jeune marié naïf qui s’était éprit de la mauvaise personne. Ce jeune homme qui avait disparu en même temps que ce vampire et ce mariage fugace. Il était toujours un peu naïf, et un peu bête selon lui, mais aujourd’hui, il avait dressé des remparts entre lui et Yong Nam, des remparts qui n’avaient jamais existés par le passé. Mais au-delà de ce chagrin, pouvait-il pardonné à ce vampire de l’avoir laissé et pourtant de se trouver aujourd’hui là, face à lui, comme si ces deux ans n’avaient été ? Il ne se comprenait pas. Il semblait pourtant tellement persuadé d’avoir oublié cette rancœur, alors que là, elle remontait en lui. Comme s’il avait été un volcan en sommeil qui éclatait enfin. Il n’arrivait pas à se mentir à lui-même. Mais plus encore, se rendant compte de sa cruauté d’ainsi ressentir telle colère, il s’en voulait à lui-même et c’était tout simplement trop pour lui. Quelque part, Min Soo n’avait jamais été plus humain qu’en cet instant. Ce tumulte d’émotions… Il avait l’impression que tout son être était écrasé et il ignorait comment en être soulagé.

Pourtant, il reprit contenance et après une grande inspiration, il se concentra de nouveau, tentant de reprendre contrôle de lui-même, de ne plus ressentir autant d’émotions. Il l’avait laissé parlé et n’avait pas répondu entre deux, attendant que réellement le silence ne s’installe pour le briser. Durant ce moment à ne rien dire, il avait réfléchit à comment être moins dur, quoi répondre, mais lui qui n’était pas habitué à ce genre de sensations était relativement décontenancé et peu maître de lui-même.

« Ne parles pas de mort à la légère. » grogna-t-il d’abord avant d’ajouter : « Parce que je pense qu’au moment de mourir, on se rend compte des choses qu’on aurait pu changer et on est empli de regrets. Je ne crois pas à ce soulagement que tu as l’air d’attendre au travers de la mort. »

Il avait parlé calmement, mais se sentait tout de même essoufflé. Inspirant donc un grand coup, il continua après un petit raclement de gorge, regardant le fond de la tasse qu’il pencha doucement vers lui. Un espoir, à nouveau, bien que plus discret, était apparu en lui, chatouillant son estomac. « Qu’est ce qui a pu te tracasser en deux ans ? Je n’ai rien fait qui aurait pu te torturer… » Mais se rappelant de sa phrase concernant le level 1, cet espoir se brisa à nouveau. Déglutissant péniblement, ses yeux rougirent très légèrement avant qu’il ne les ferme et qu’il n’ajoute, comme pour le punir d’avoir ce level 1, qui aurait été un rival certainement si tous les deux n’avaient pas prit tant de distance: « … Si c’est ce baiser, il n’avait certainement pas de signification… Je ne sais plus… » Sa voix dérailla à peine avant qu’il ne rit de manière dépité, ajoutant encore : « L’avantage d’être un humain, et d’être moi surtout, c’est que la mémoire n’est pas toujours bonne… »

Il avait beau dire, tous ses pores transpiraient la peine et la jalousie. De plus, il se souvenait si bien de ce baiser. Il n’avait pu l’oublier. Ces lèvres fraîches au contact et pourtant qui lui avait semblé si brûlantes tant ce même contact avait été désiré. Cet unique contact physique, il s’en souvenait, ses lèvres brûlaient encore en sa présence et tenter de repousser ses propres sentiments le tuait. Il ne se rappelait de se qu’être humain signifiait qu’au travers de ces souvenirs si vigoureusement refoulés. Ou tout du moins, il n’en prenait pleinement conscience qu’au travers lui. Doucement, il sourit, sincèrement, ses yeux se rouvrir, pétillants. A bien y réfléchir, il avait une autre raison de vivre. Sa voix, toujours faible à cause de sa gorge serrée, se fit néanmoins douce, et il répondit : « A part devenir calice je… J’ai fini mes études et… Et je suis professeur en petite section… » Ces enfants, de vrais petits monstres, mais qu’il les aimait. Il les protégeait à sa manière, tentant de leur donné l’assurance qu’il avait perdu, de les protéger d’un vécu aussi dur que le sien. Et ce fut à cet instant qu’une unique larme filtra, une larme qu’il cacha derrière sa main venu se poser sur sa joue comme pour maintenir son visage. Qu’il était bête de haïr ce vampire, lui qui l’avait tant recherché quelque part au fond de lui.

 

Yong Nam enviait une chose aux humains. Une seule chose. Ne pas avoir l’immortalité et ainsi ne pas avoir le temps de s’enfermer dans les regrets pour toujours. Le level 3 avait beaucoup de regrets. Parmi eux, il y avait celui d’avoir caché sa maladie à sa mère et puis sa vraie nature. Mais les plus lourds étaient ceux concernant Min Soo. Il avait désiré ce calice plus qu’aucun autre, alors même qu’il était marié à une de ses plus grandes amies. Et même s’il n’y avait eu qu’un seul baiser, à chaque fois qu’il pensait au calice, il s’en retrouvait malade. Malade d’amour pour lui. Il n’avait jamais aimé quelqu’un aussi fort, surtout au point de prendre des risques pour sa propre survie. Mais il avait été un lâche. Du moins, il avait toujours senti que son départ sans avoir pu prévenir de son départ, laisserai une blessure bien plus profonde que les autres. Il s’était pourtant persuadé que ses retrouvailles feraient plaisir. Que ça changerait tout. Que le calice l’écouterait et le comprendrait.

Mais c’était différent. Min Soo était déjà à un vampire et lui en voulait au point que sa rancoeur se lisait dans son regard. Yong Nam la voyait et la ressentait. Cela lui fit bien plus mal qu’il ne l’avait imaginé et la douleur de l’avoir laissé derrière lui fut bien plus grande. Mourir… Voilà le grand avantage des hommes. Pouvoir mourir. Partir et emporter avec eux les secrets, les peines, les haines. Lui, il était mort et puis ressuscité par un pouvoir dont il n’en connaissait même pas les origines. D’ailleurs parler de pouvoir pourrait être une erreur et ne même pas correspondre à la réalité et la vérité des choses. Un simple grimoire l’avait sauvé de la maladie et l’avait éloigné de la mort, en lui offrant la vie éternelle.

Alors oui. Il le reconnaissait il était mal placé pour parler de mort. Il fixa cependant Min Soo droit dans les yeux. Peut être que sa douleur ne se lisait pas dans ses yeux ou sur son visage. Mais même si son coeur était mort, sa poitrine était serrée.

- Et d’après toi… Vaut-il mieux mourir avec les regrets ou vivre éternellement avec ?

Il poussa un léger soupir pour se décrisper.

C’est vrai. Je ne devrais pas parler de mort à la légère, moi qui suis immortel, à moins que l’on ne me tue avec de l’eau bénite ou que l’on me fasse prendre un bain de soleil. Mais crois-moi… Vaut mieux mourir empli de regrets que de vivre avec.

Il but une nouvelle gorgée de sa tasse la vidant.

-  Si tu crois que j’ai oublié les deux ans qui se sont passés, tu te trompes. J’ai essayé d’oublier, quand je suis revenu. Mais non. Au final j’ai renoncé. J’ai continué de penser à toi. A imaginer comment on se retrouverait, l’endroit, ce que l’on se dirait. J’en ai rêvé. Non, tu n’as rien fait de particulier qui aurait pu me torturer. Mais pendant deux ans, c’est bien toi qui me rongeait l’esprit. Ou plutôt l’idée de t’avoir laissé derrière moi, d’être parti pile avant ton divorce. De ne même pas avoir pris le temps de te prévenir, pensant bêtement que mon absence ne serait pas de deux ans mais juste de quelques semaines.

Il aurait pu pleurer. Mais il préféra rester de marbre, assis bien droit, caressant simplement la tasse vide située devant lui. Il se sentit encore plus blessé quand il entendit Min Soo dire que le baiser n’avait aucune signification. Il serra les dents et sentait son corps entier se contracter. Il aurait voulu dire que ce moment était vraiment significatif. Que le level 1 n’est que son fils et que ce n’était même pas prévu qu’il en ait un. Il n'osait même pas dire la vraie raison de sa douleur, à savoir ses sentiments pour lui. Tout resta cloîtré au fond de sa gorge.

-  Je ne te demanderai jamais de me pardonner. Et le baiser… Il aura la signification que tu voudras… Même s’il signifiera beaucoup de choses pour moi, si pour toi il n’en a aucune, alors ce sera ainsi

Il déglutit assez difficilement.

Vous avez beaucoup d’avantages par rapport à nous, vous, les humains… Malgré tout ce que l’on dit… 

Il finit par lui demander de ses nouvelles et un léger sourire se dessina sur son visage. Il le voyait très bien auprès des enfants. Et il espérait que son vampire le traitait correctement. La larme fugace il l’avait vue. Et ça lui déchirait tout simplement le coeur. Le faire pleurer. C’était vraiment la dernière chose qu’il avait souhaité. Il l’aimait si fort. Il le fixa. Et sans en avoir conscience, sa main s’était avancée dans le but d’effacer cette larme. Mais il arrêta son geste à mi-chemin, se faisant hésitante, de peur de blesser d’avantage le calice. Il voulait le toucher. Le sentir contre lui. Il avait envie de lui murmurer les seuls mots qui ne faisaient que résonner dans sa tête depuis qu’il le connaît. Il ne le lâchait pas des yeux, pensant inconsciemment pouvoir lui faire parvenir les mots qu'il avait toujours voulu lui dire, lui faire sentir qu'il portait pour lui une affection bien plus grande et forte que celle qui lie deux amis.

Hope is the only thing that Humans need.

«Goodbye my lover.»

Peut-être que quelque part, même s’il n’aurait su dire quand, quelque chose en Min Soo s’était brisé au contact de Suh Yong Nam. Il croyait réellement avoir un jour été amoureux de ce vampire. Il aurait été hypocrite de dire le contraire. Mais au fond, que savait-il de l’amour, lui qui avait été enfermé pendant si longtemps dans cette salle sordide dont les murs étaient creusés aujourd’hui encore par ses petits doigts d’enfant. Il ne le savait pas. Il avait toujours supposé que l’amour c’était simplement se sentir heureux. Sauf qu’il s’était senti heureux de tout à l’instant même où une inconnue lui avait restitué sa liberté, lui avait donné le droit de vivre à nouveau à l’air libre et être heureux. Il ne se souvenait plus de tout, mais les seules fois où il avait sourit sincèrement durant ces années à être modelé, c’était lorsqu’on le laissait se dégourdir les jambes dans la résidence avant de retourner dans cette pièce ou encore lorsqu’il avait assez à manger pour faire taire ce ventre qui était souvent le seul à lui parler. Alors quoi ? Il était tombé amoureux de sa nouvelle situation ? Et bien oui. Il avait aimé quelque part cette femme, sa sauveuse, toujours si douce et compréhensive. Il avait aimé ce monde pourtant pourri à bien des égards. Il avait aimé ce type avec qui il discutait si souvent dans un café. Et après ?
Mais à mesure qu’il pensait à ça, Min Soo prit peur. Il prit peur en sentant ce trou béant à la place de son cœur. Quand avait-il cessé d’aimer la vie à ce point, lui qui avait comblé toutes ses attentes ? Il était effrayé. Jusqu’ou cette affection pour Suh Yong Nam était-elle allé ? Et jusqu’où l’avait elle dévasté. Peut-être était-ce ça qui avait soutiré cette unique larme à Min Soo. Il avait conscience de ses bêtises. S’être attaché, être resté accroché et finalement voir cette distance qu’il ne saurait combler.

Dans son silence, on devinait clairement qu’il l’avait sincèrement aimé malgré ses doutes qui étaient tourné avant tout vers lui-même. Oui, son amour avait été ridiculement sincère, tout comme cela avait du être le cas autrefois pour le vampire. Mais ces deux ans avaient marqué ce calice qui n’avait pas l’éternité devant lui. Et parce qu’il était humain, faible, il se devait d’avancer, de faire sa route. Et parce qu’il avait un maître, cette route ne se ferait certainement jamais auprès de Suh Yong Nam.
C’était le reconnaître qui lui fit le plus mal et l’enfant en lui pleurait que quelqu’un lui viennent en aide, l’aide à respirer, lui qui suffoquait. Ces émotions étaient trop grandes pour lui. Il se croyait fortifier par ces années de calvaire, mais cette distance envers autrui de lui avait pas permit de se préparer à s’autodétruire. Le danger était toujours venu de l’extérieur autrefois. Aujourd’hui, il était son seul bourreau. Et parce qu’il voulait se débarrasser de son amour trop grand pour lui et libéré l’être qu’il aimait de l’encombrement qu’il était de toute évidence devenu, il se devait de mentir une dernière fois.

C’était si dur pour lui de mentir, il en était incapable à la base. Mais vous seriez surpris de tout ce que l’on est capable de faire pour la personne aimée ou pour se protéger soi-même. Ces deux facteurs étant réunis, et bien que ses larmes redoublèrent au point qu’il aurait eu peur de s’y noyer, il recula sa chaise et s’éloigna de cette main qu’il aurait pu prendre et auprès de laquelle il aurait certainement pu se rassurer.

« Ne me touche pas s’il te plait. Tu le sais, n’est ce pas… ? » Sa voix tremblait et il cru qu’il allait la perdre mais continua. « Je t’aimais. Je t’aimais réellement. J’ignorais même que c’était possible d’aimer comme ça… » Il se perdait lui-même, que faisait-il donc. Se raccrocher à lui, encore et toujours, c’était leur faire du mal à tous les deux.

Il approcha sa main de son visage et se mordit violemment le poing, retrouvant ses tiques d’enfant. Lorsqu’il relâcha prise, il eut un hoquet douloureux avant de se plier en deux et tenter de retrouver contenance. « Je t’aimais, Suh Yong Nam ! » Il eut une inspiration bruyante avant d’ajouter. « C’est pourquoi aujourd’hui, je te libère de ce poids que je suis. » Il prit appui de sa main sur la table et s’aida à se relever. Son ventre faisait des nœuds, le tuait à petit feu et lui, lui trouvait encore la force de se mouvoir. « Je… Je te… » Comment mentir à l’heure actuelle. Il voulait lui dire qu’il l’aimait, mais il ne le pouvait pas… Ne le devais pas. « Je te déteste… » murmura-t-il dans un soupir douloureux. C'était à la fois vrai et faux. Parce qu'il l'aimait si fort malgré lui... Mais il le détestait de lui faire ressentir tout ça.

Il garda un moment la tête baissé et après quelques minutes releva son visage vers lui et lui sourit douloureusement. « Je te souhaite tout le bonheur auquel j’ai cru un jour touché en ta compagnie. Tu le mérites vraiment. Ne t’inquiètes pas pour moi, je suis sûr qu’un humain guérit plus vite d’une peine de cœur qu’un vampire… Et puis… Et puis… Entre hommes, c’est impossible, hein…? » Il déposa un billet un peu trop gros pour leurs deux consommations, sur ce livre usé, puis tourna les talons. Il s’hurlait à lui-même inlassablement le même mot : Mensonges. Tout ça, ça n’avait été qu’un ramassis de mensonge. Il ne lui souhaitait pas ce bonheur, pas sans lui. Et non, il ne guérirait jamais de cette peine de cœur, lui, cet humain trop sensible.
Il était comme certains animaux, ceux qui n’aiment qu’un être à jamais. Suh Yong Nam serait à jamais le premier et le dernier réel amour de Min Soo. Son cœur avait été marqué au plus profond de cet individu, et dés lors, Min Soo ne ressentirait plus cet amour dans lequel on souhaite ce jeter corps et âme. Il tuerait le premier à lui dire qu’il guérirait, qu’il en trouvera un autre, oui, il le tuerait, de ses propres mains. Seul lui restait son maître, il lui donnerait tout ce qu’il voudra, sans réserve, sauf cette place à jamais occupée. Il vivrait pour ce vampire et mourrait pour lui, parce que sa vie n’avait plus de sens que Yoo Kyang Ja en cet instant où il quittait ce café qu’il ne reverrait jamais plus.