Ihn Kyang – Long time no hope ; Lilith Book Crusader

➲ Oui, elle est loin ta vie en tant qu’humain. Elle représente trente-et-un de ta vie ; c’est un faible pourcentage, mais elle a marqué tous tes congénères. Aujourd’hui, tu fais comme si elle n’a jamais existé ; mais tu sais que c’est de là où tout a commencé. Né dans les années 1770’s, tu as connu une Séoul traditionnelle, où la Corée était encore entière. Tu as fait partie du petit peuple ; chez vous, tout le monde travaillait dans l’usine d’imprimerie de Séoul, la plus vieille à l’heure actuelle. Tu as occupé tous les postes. Tu ne savais ni lire ni écrire, mais tu étais très sociable : ton dernier poste attitré était celui que tu préférais, vendre les journaux à la volée. Jeune homme dynamique et blagueur, ton sourire était vendeur. Tout le monde t’appréciait dans le quartier.

➲ Humain, tu avais même une femme. Se marier à vingt piges, chose inconcevable aujourd’hui. Comme pour tout le monde, c’était une normalité inconditionnelle, mais un rêve quand cela se réalisa. Parce que tu t’étais marié avec la fille de ton quartier, celle pour qui tu avais un béguin depuis...depuis toujours, hein ? Gaffeur de première, tu as toujours été maladroit en amour ; un défaut qui a finit par la faire craquer. Toutefois, il y avait une part de toi qu’elle appréciait moins : ton goût pour le surnaturel. Mais elle comprenait. Elle savait que cela venait de quelque chose de plus profond qu’une simple curiosité. Le besoin de savoir. Connaître l’essence de son monde.

➲ Contextualisons : nous sommes dans une ère où la science n’expliquait rien de concret. Pourquoi le mal ? Pourquoi tant de maladies et de souffrances incurables ? Même si tout le monde ne voyait que ton côté léger et insouciant, tu te posais mille questions. Mille questions existentielles quand tes cadets succombèrent à la tuberculose. Une partie de ta famille est morte en quarantaine. Tu avais une vingtaine d’années, et tu ne pensais pas vivre guère plus de 40 ans. Pour toi et ta femme, la vie était réellement courte, vous profitez de chaque jour. Mais en secret, tu cherchais à prévenir ces malheurs. Tu ne voulais pas que cela arrive à tes enfants. Tu sympathisas avec le guérisseur du coin. Il t’apprit pleins de choses sur les plantes, les poisons et leurs remèdes, la litho-thérapie, le magnétisme... “le Sorcier” l’appelaient-ils vulgairement.  

➲ En quelques mois de formation, les élixirs n’avaient plus de secret pour toi. Mais les habitants se méfiaient de toi à présent. Tu fréquentais l’Infréquentable, il fallait s’y attendre. Dans les faits, très peu de gens faisaient appel au Sorcier. A leurs yeux, tu étais passé du mauvais côté. Ta femme croyait en toi, mais elle avait ses limites. Quand le Sorcier te proposa de te prendre en tant que Disciple, elle crisa. Ce fut la fin de ton enseignement. En souvenir, il te laissa ce grimoire. Tu ne l’ouvris que le soir.

➲ Morts. Trahison. Tristesse, tristesse. Désillusion. Déception.  Tu passas par toutes ces états d’âme durant ta transformation. Ce grimoire, un cadeau qui t’empoisonna l’existence pour toujours. Aucun remède. Juste cette faim à assouvir toutes les nuits. Le lendemain, tu n’es pas allé travailler. Ta mauvaise réputation fut entérinée. Mais seule elle savait. Ce fut un calvaire pour tous les deux. Elle resta pour toi. Mais tu ne voulais pas lui faire de mal ; cette bête en toi était incontrôlable. Alors tu attendis, tu attendis -horriblement- le la nuit suivante pour t’enfuir. Tu t’enfuis de Séoul, pendant de longues années. Tu en avais besoin. Pour faire le deuil de ton humanité, de ta femme, et de tes rêves de famille, celle que tu rêvais d’avoir.

➲ Chine, Vietnam, Laos, Indonésie, Bangladesh, Australie...tu as vu toute l’Asie avant de revenir en Corée. Les pays pauvres étaient ta prédilection. Tu as vécu de bien des manières ; sac-à-dos, belle étoile, hôtel... Tu appris à lire et écrire au cours de ton périple. Un plaisir inégalable. C’est pendant cette période que tu te cultivas. Tu lisais tous les classiques. Quand tu voulus écrire, ce fut d’abord pour toi. Un journal de bord. Tu trouvais cela pas si mal. Tu décidas de rentabiliser ce loisir. Ta carrière de journaliste débuta à 110 ans dans des revues indépendantes. Quand tu découvris la technologie, tu t’engageas envers des journaux en lignes. Tu écrivais sur tes destinations, les spectacles que tu voyais, les derniers romans sortis. Tu as interviewé de jeunes artistes inconnus aussi. Petit à petit, loin du sol coréen, tu te fis un nom dans la presse culturel et touristique.

➲ Ta vie avait beau être divertissante, elle n’avait pas de sens avant la Milice. Après voir bien voyagé, un siècle plus tard, tu décidas de retourner en Corée pour cette raison : trouver des vampires comme toi, qui veulent établir un ordre sur cette terre bien abîmée écologiquement par les humains. Ils ne la méritent pas. Il leur faut des maîtres, comme lui. Il les trouva ; des années de bons et loyaux servies s’ensuivirent.

➲ La Milice est l’avenir de ce monde, tu en es convaincu. Cependant, avec l’étrange expérience des humains et le retour du Grimoire de Lilith, ton opinion changea quelque peu...Park Jun Min n’était plus à la page. C’était clair pour toi. A l’heure actuelle, tu fais partie de ceux qui le contestent dans l’ombre. Mais pas la peine de passer par la voie démocratique : ce sera à qui mettra le premier la main sur ce maudit Grimoire. Tu t’en fis la promesse ; pour toi et pour l’Humanité. Il te faudra juste une petite main pour te seconder et servir de couverture.

➲ Et tu la trouvas, cette petite main. Tu lui as tendu la tienne, pour le pire comme pour le meilleur. Tu lui as donné une seconde vie pour une raison préciser : te seconder, et rien d’autre. Aucune charité dans ton acte. Il semble avoir compris ce dernier point. Tu n’en es pas sûr. Tu ne cherches pas à le connaître, parce que tu n’attends rien de sérieux de lui. Lui ordonner et obéir. C’est comme ça que tu voyais son éducation. Mais il t’échappe...tu l’as laissé faire pendant quelques mois, mais voyant la situation se dégrader, tu le repris vite en main. Hors de question que quelqu’un se mette dans ton chemin, et surtout pas l'avis d'un p'tit merdeuxqui ne comprend rien.