darkness holds many secrets. (NC -16)

Ces quelques mots restèrent longuement gravés dans sa mémoire. « Rencontre-moi dans les vestiaires du gymnase. Assure-toi que personne ne vienne avec toi, sinon tu peux dire adieu à ta vie. » L’écriture était très féminine. Il n’avait pourtant aucune femme dans son cercle d’amis et la demoiselle qui était venue lui offrir le billet ne lui disait rien. Hui Sun se releva finalement de son lit, s’étirant de tout son long, attrapant le premier pull traînant non loin pour l’enfiler une nouvelle fois. Il ne connaissait peut-être pas la source de ce message, mais il savait qu’un rendez-vous était un rendez-vous. La ponctualité avait toujours été son fort, aujourd’hui ne ferait pas exception. Il prit la peine de laisser une note à son colocataire de dortoir, si jamais l’envie de le chercher lui prenait, puis attrapa son portable et enfila ses chaussures pour traverser le campus d’un bout à l’autre.

Son attention fut rapidement captée par le peu de gens qui se promenait sur le campus. Il prit connaissance de l’heure, rapidement. 20h16. Avec cette température, même le plus téméraire des chiens n’aurait pas mis le bout de son nez dehors. Il fut sur place en dix minutes. Il vit l’équipe de basket sortir du vestiaire suite à une pratique probablement peu productive, vu le classement qu’ils occupaient présentement. « Pourquoi fallait-il que ce soit ici… » Ses doigts poussèrent presque timidement sur la porte d’entrée des vestiaires, entrant sans faire de bruit. Il fallait dire que le silence régnait en maître lorsque tous les élèves avaient quittés l’endroit. Le jeune homme tendit la main vers lui, ouvrant l’un des premiers casiers visibles, ne s’étonnant pas le voir vide. Ce qui lui coupa le souffle, par contre, fut la totale obscurité dans laquelle il se retrouva quelques secondes plus tard. Peut-être fermaient-ils les lumières pour économiser l’électricité ? Sa main glissa rapidement dans sa poche, attrapant le portable qui y trônait, appuyant sur le bouton principal pour se rendre compte que la batterie l’avait lâché. « Eh merde… » Sa tête se releva directement. Avait-il vraiment entendu un bruit ou la panique du moment le rendait soudainement fou ? « Qui est là… ? Montrez-vous… » Peur ? Non. Peut-être un peu, en fait.

Son cœur s’arrêta un moment. Un long frisson remonta le long de sa colonne vertébrale alors qu’il fermait les yeux par réflexe, même dans le noir le plus complet. Réflexe de sécurité, lui permettant ainsi de faire abstraction de tout ce qui l’entourait. L’odeur du parfum pour homme lui monta rapidement à la tête, le forçant à porter une main à son nez. Ses yeux s’ouvrirent lentement, agressé par le noir intense qui régnait dans la pièce, illuminé seulement par le signe « sortie » tout près de la porte. Il avait senti son portable voler plus loin. Sauf qu’il n’avait vu personne. Et c’est principalement ce qui lui fichait la trouille.

Hui Sun posa doucement une main contre la rangée de casiers tout près de lui, s’en servant comme guide directif. Il connaissait les lieux pour y être venu quelques fois afin de profiter de la piscine, mais c’était en plein jour. Il savait toutefois qu’il y avait une porte au fond de la salle, autre que la porte d’entrée, qui donnait sur les douches et ensuite sur la piscine. Premier truc qu’il avait oublié ? Les bancs. Son genou gauche se souvint toutefois de leur position, entrant en collision avec l’un d’eux, lui arrachant un cri de douleur. « Bordel… » Sa main se porta directement à son genou, remontant son pantalon pour constater les dégâts. Un liquide chaud couvrit rapidement ses doigts, lui indiquant que l’impact avait été assez puissant pour écorcher sa peau. Et la fille ne s’était toujours pas montrée. Elle allait lui faire perdre patience, surtout s’il devait attendre avec son genou qui voulait exploser. « Si t’oses te montrer, je t’éclate la gueule, espèce de catin de mes deux. »

Le calme qui régnait normalement sur sa vie semblait s’être envolé pour de bon. Il ne comprenait pas pourquoi une jeune femme lui avait donné cette note, ni pourquoi le monde semblait vouloir l’assassiner directement. Il sursauta à l’entente du coup près de son visage. Peut-être aurait-il dû garder son commentaire pour lui ? Le banc sur lequel il s’était cogné bougea à son tour, le faisant reculer de quelques pas. Et ces pas semblèrent suffisants pour que son tortionnaire le pousse, le faisant tomber sur les fins matelas de gymnastique. Son regard fut violemment agressé par la faible lumière qui s’ouvrit, restant totalement figé en entendant les paroles du plus jeune. « Emery… » Ses doigts se crispèrent légèrement sur le matelas en sentant a langue de son cadet glisser contre son genou. Un fin gémissement de protestation passa la barrière de ses lèvres lorsque le jeune vampire glissa sa main dans ses cheveux pour lui remonter la tête. Son regard se posa directement sur ses crocs, gonflant légèrement les joues. Dans une situation ou la faim prenait le dessus sur tous ses sens, Emery pouvait faire tout ce qu’il voulait. Hui Sun aurait beau retourner ciel et terre, jamais il ne pourrait s’opposer au garçon qui se tenait devant lui.

Le chinois ouvrit la bouche, prêt à répondre à la remarque de son cadet, sa voix restant prise au creux de sa gorge. Bien qu’il y soit habitué, la douleur des morsures l’affectait encore. Ses doigts s’accrochèrent rapidement au haut d’Emery, comme chaque fois. Ce petit geste futile était, pour lui, le seul moyen de garder un pied dans la réalité, refusant de se laisser complètement enivrer par cette sensation qu’était celle de perdre son sang, s’affaiblissant beaucoup trop vite. Sa tête retomba lentement sur le matelas, rouvrant les yeux pour fixer le visage de son vampire. « Je préfère de loin crier de plaisir que de peur parce que monsieur se cherche un jouet. » Le chinois se releva légèrement pour lui faire face, portant sa main à son cou pour légèrement couvrir la morsure de ses doigts. « Je t’attendais dans la chambre. Si t’apprenais à revenir à l’heure, aussi… » Heureux ? Oui et non. Il était soulagé de voir que toute cette mascarade sortait de la tête d’Emery. Probablement qu’il le bouderait un ou deux jours pour lui avoir fait aussi peur.

Depuis qu’il le connaissait, Hui Sun avait toujours trouvé qu’Emery était difficile à suivre. Cette fois ne faisait pas exception non. Il aurait très bien pu rester dans la chambre et ne rien faire, il savait que son vampire aurait retrouvé son chemin. Lorsque la faim se faisait sentir, il pouvait presque prédire l’heure exacte à laquelle il pointerait le bout de son nez. Ses doigts se relâchèrent lentement, toute tension présente dans son corps au moment de la morsure s’envolant immédiatement. Sa remarque ne reçue aucune réponse, préférant rester silencieux. Il était vrai que, d’un sens, il n’était qu’un garde-manger. Toute proie digne de ce nom préférait jouer avec sa nourriture un moment avant de lui sauter à la gorge.

Le jeune chinois resta sans réelle réaction lorsque les lèvres de son colocataire trouvèrent les siennes, encore sous le choc et sans grande force. Ses joues se gonflèrent légèrement au commentaire du polonais, croisant légèrement ses bras contre son torse. Il faisait partie de son quotidien – partager une chambre les forçait à cohabiter ensemble et à se côtoyer tous les jours. « T’es en train de dire que je suis ennuyant ? » Ses yeux tournèrent vers la gauche, fixant les lumières encore éteintes, soufflant un moment, jusqu’à sentir sa veste et son haut le quitter un peu trop rapidement à son goût. Ses fins doigts se posèrent sur le torse de son cadet, étirant les jambes pour venir s’accrocher à sa taille. D’un coup de bassin bien placé, il le renversa sur le côté, s’assoyant confortablement au niveau de son bassin, attrapant son haut entre ses doigts pour commencer à le remettre. « C’est pas le temps Emery. Je veux rentrer. » Le blond se pencha lentement pour poser ses lèvres contre celles du vampire, grimaçant un moment en sentant le goût amer du fer. Son pouce glissa ensuite contre la joue du plus jeune, essuyant la trace de sang, un fin sourire aux lèvres. « Tu devrais apprendre à mieux manger. » Hui Sun glissa son pouce entre ses lèvres, effaçant le reste de sang, se laissant ensuite glisser le long du matelas pour se relever. Il n’avait pas l’intention de rester enfermé.

D’un pas lent, presqu’incertain, le jeune chinois se dirigea vers la porte d’entrée. Il fréquentait cette école depuis assez longtemps pour savoir que les portes se verrouillaient à une certaine heure et ne s’ouvraient de nouveau que lorsque le couvre-feu était passé. Il sentait toutefois le besoin de se rendre à la dite porte pour être certain qu’elle n’était pas ouverte. Le fait d’être enfermé n’était pas vraiment ce qu’il préférait le plus. Sa main se posa lentement sur la poignée, poussant pour tenter de l’ouvrir, tirant une moue en voyant le manque de succès. Sa tête tourna lentement en directement de son cadet en entendant sa voix retentir dans le vestiaire. « Tu sais très bien que je suis curieux. » Depuis le temps qu’ils se connaissaient, Emery avait apprit à connaître toutes les facettes d’Hui Sun et savait un peu trop bien comment s’en servir.

Le jeune homme rebroussa chemin, posant sa main contre le mur pour le suivre un moment, tentant de trouver l’interrupteur. Il se stoppa toutefois en entendant la voix de son ami, puis ses mouvements. Il était vexé. Pour si peu ? Alors qu’il lui avait fait peur et avait joué avec lui ? Un fin soupir passa ses lèvres, retournant à tâtons vers le banc, entendant faiblement la musique qui résonnait dans le silence ambiant. « Emery, boude pas… » C’était l’une des choses qu’il redoutait le plus. Il savait que le vampire était encore instable. Il savait également qu’à ce stade, n’importe quelle petite chose pouvant le vexer risquait de le rendre encore plus irritable. Le jeune homme tendit sa main vers l’avant, la glissant sur le sommet de ses cheveux, ses doigts se faufilant tendrement entre ses mèches. Il avait l’habitude avec les contacts physiques. Il était démonstratif. Ce n’était pas nécessairement le cas de son colocataire. Le chinois s’avança un peu plus, fixant le portable de son cadet un moment, relâchant sa chevelure pour retirer une nouvelle fois son haut, le posant sur le portable pour couper toute lumière. « Je vais prendre une douche. » Il voulait l’ignorer ? Alors il en ferait de même. Ce jeu se jouait à deux et Hui Sun ne se laisserait probablement pas faire.

Avec le temps, Hui Sun avait apprit comment agir. Il avait surtout pris le temps de s’informer sur ce qu’était un calice afin de savoir sur quoi reposaient ses tâches. Il savait qu’être docile et respecter son vampire devait faire partie de ses tâches quotidiennes. Il savait également que provoquer son vampire ne mènerait à rien sauf à de la colère de sa part. Il avait pourtant assez donné et ne se laisserait pas constamment marcher sur les pieds. Emery ne pouvait-il pas comprendre que parfois la peur prenait le dessus et l’empêchait totalement de fonctionner ? Son cœur rata un bon lorsque son cadet attrapa son poignet, le plaquant contre le casier beaucoup trop froid. Il n’avait jamais comprit pourquoi Emery pouvait changer si facilement en sa présence. Il ne savait pas si c’était son statut de calice qui changeait tout ou leur relation en elle-même. Le chinois pinça légèrement les lèvres, tentant de réprimer les frissons qui montaient déjà le long de sa colonne vertébrale, les baisers de son cadet montrant déjà leur effet. « Pas moi… » Sa docilité revint rapidement, passant ses bras à sa nuque, s’accrochant fermement à lui jusqu’à ce qu’il le repose sur le banc à mi-chemin.

Un fin sourire se logea sur le visage de l’aîné, en profitant pour glisser le bout de ses doigts sous le haut d’Emery, profitant de la froideur de son corps. Étonnamment, ce détail ne l’avait jamais horripilé. Ses lèvres se détachèrent lentement des siennes afin de lui retirer à son tour son haut pour mieux rattraper ses lèvres, prolongeant le baiser précédemment échangé. Ses mains glissèrent de son torse à ses hanches, ouvrant sa ceinture puis son pantalon pour le faire glisser le long de ses cuisses. Il avait beau ne pas le voir correctement, tous ses autres sens étaient en alerte. Le changement de ton dans sa voix n’était pas passé inaperçu, tout comme l’espace qui s’amenuisait au niveau de son entre-jambes, présentement bien au chaud sous sa paume. « Non. Moi je t’aime... » murmura-t-il, baissant la tête pour laisser le bout de ses lèvres traîner contre le haut de son torse. Ses lèvres se pincèrent à nouveau, comme s’il regrettait sur le coup d’avoir laissé aller ces paroles. C’était la vérité, oui. Hui Sun n’avait jamais eu l’habitude de mentir, encore moins s’il s’agissait de son cadet. Il avait également l’habitude d’être tactile envers celui-ci. De démontrer ses sentiments, c’était autre chose. Et voilà qu’il venait de le faire sans aucune gêne. Il sentit le rouge lui monter aux joues, préférant relever la tête afin de nicher le bout de son nez au creux du cou du vampire. « Pardon… »

Hui Sun avait toujours eu une capacité d’adaptation phénoménale, chose que ne partageaient pas ses parents. Il avait vécu bien des déménagements, avait passé une partie de sa vie dans un lit d’hôpital et les gens qui formaient son entourage ne se ressemblaient pas. Un vrai petit caméléon. Lorsque le temps était venu de vivre avec son nouveau colocataire, il ne s’était pas posé plus de questions qu`il ne le fallait. La première fois que ses crocs s’étaient posés dans sa chair, il n’avait rien dit. Au contraire, il avait tout fait pour que la situation se représente. Probablement que sa générosité sans égal ne l’aidait pas vraiment, mais il n’avait jamais eu l’idée de se refuser à son cadet. Toute personne se doit de se nourrir, un vampire ne faisant pas exception pour le chinois.

Ses dents attaquèrent bien rapidement ses lèvres en voyant la réaction du plus jeune. Aurait-il dû fermer sa gueule encore une fois ? Il n’avait aucune honte à dire ce qui lui passait par la tête. Le problème, c’est lorsque des sentiments étaient impliqués. Il n’avait jamais vraiment fait attention à ce qu’il disait, encore moins à ce qu’il pensait. Était-ce vrai qu’un lien existait entre un calice et un vampire ? Si c’était le cas, Emery devait savoir qu’Hui Sun n’était plus indifférent depuis longtemps. Il devait également savoir qu’il ne lui donnait pas son sang parce qu’il savait qu’il en avait de besoin, mais bien par affection. Il fronça lentement les sourcils en le regardant partir plus loin. Il ne s’en doutait pas ? Il n’avait jamais remarqué que son regard sur lui était bien différent de celui qu’il offrait aux autres ? Sa main passa lentement sur sa nuque, se laissant retomber sur le banc, fermant les yeux. Cette nuit serait franchement pénible s’ils ne cessaient pas de jouer au chat et à la souris. Ses yeux se rouvrirent lentement lorsqu’il entendit l’eau couler, soufflant longuement avant de se relever. « Je sais très bien ce que je dis. » Un simple murmure. Il savait pourtant que le plus jeune l’entendait très bien. Il savait également qu’il entendait ses pas contre le carrelage, se dirigeant à son tour vers les douches. Se faufiler derrière lui fut facile. Passer ses mains à sa taille également. Ses lèvres glissèrent lentement contre la peau froide de ses omoplates, le serrant fermement contre lui. Ses yeux se refermèrent, pinçant légèrement les lèvres, sentant sa voix rester prise au fond de sa gorge. Certains mots étaient plus simples à prononcer sur le moment, sans vraiment y penser, sous l’impulsion. Il n’y pensait pas moins. Ses yeux s’ouvrirent une nouvelle fois, prenant une grande inspiration avant de penser. Je t’aime, Emery. Peut-être commettait-il la pire erreur de sa vie.