ANH HÀO + my heart is a ghost town.

Anh Hào est un fils de pute. Au sens propre du terme. Sa mère, Vietnamienne, ne parlant pas un mot de coréen lorsqu'elle s'était installée à Séoul. Engagée dans une maison close. Le père ? Personne. Un client. On ne sait pas. On s'en fout. + Il aurait pu être épargné, il aurait pu être élevé chez quelqu'un d'autre, se retrouver dans un orphelinat, loin de sa génitrice qui ne pouvait pas avoir un fils. Mais non. Il s'est collé à elle. Il a grandi dans le bordel : dans ces odeurs moites, un mélange de sueur, de fumée, d'alcool ; dans ce quotidien humiliant, rabaissant, dans cet univers sale et honteux d'adultes, qui n'épargne pas l'enfance. + On lui a toujours dit que l'amour s'achetait, ou se prenait de force. L'amour n'est rien qu'un moment intense, au goût de violence, vécu à l'arrache contre un mur, sur un lit ou dans un coin. N'y est associé que le plaisir physique, coupable et douloureux. + Anh a toujours vécu à Séoul, il parle pourtant mal le coréen. Il sait se faire comprendre, mais disons qu'il n'a pas bénéficié d'une éducation dans les normes. + Enfant en manque de père, ou en manque d'une figure paternelle. Il aurait préféré en avoir un. Même un drogué, alcoolique, ou qui l'aurait frappé tous les jours. C'est toujours mieux que de savoir que l'homme qui s'est planté entre les cuisses de sa mère ne soupçonnait même pas son existence. + Il a perdu sa virginité à douze ou treize ans, avec une putain qui aurait pu être sa tante. Puis plus tard, avec un client. Un homme. Qui ne lui avait pas demandé son avis. Anh Hào a senti la colère l'envahir, l'envie de lui casser la gueule et de lui cracher au visage. Mais ce n'est pas comme ça que ça marche, alors il a juste fermé sa gueule. Sa mère ? La plupart du temps, ivre morte, ou affalée sur un canapé à moitié somnolente, durant ces orgies sordides imprégnées de rires moqueurs et d'ironie. + Vers ses quinze ans, il a fugué. Après une nouvelle séance de plaisirs enivrants et glauques, après une nouvelle série d'humiliations, de moqueries, au milieu de ces femmes qui s'amusaient de ces rougeurs d'enfant dès qu'elles dévoilaient un sein, et de ces hommes qui trouvaient des attraits à son corps encore pré-pubère. Lui, ce n'était pas son métier. Il avait toujours vécu comme ça. Il n'était pas une pute. Juste un fils de pute. + Il n'a plus jamais revu sa mère. Il s'est retrouvé à la rue, c'est pas tellement bien que le bordel. En revanche, il a fait une autre rencontre. Un vampire. Quelqu'un de très riche, apparemment. Son premier client officiel. Anh Hào avait fui la maison close, s'étant promis de ne jamais plus se livrer à ces jeux, et voilà qu'il se livrait au premier inconnu prêt à lui donner de l'argent. Aucune fierté. Aucun amour propre. + Ça doit faire bientôt cinq ans que le vietnamien travaille en tant que prostitué de luxe. Bien logé, bien nourri. Traité convenablement. Comment ? C'est ce vampire. Riche. Il l'a aidé. Pourquoi ? Il l'ignore, il s'en fiche un peu. Il ne l'a pas vraiment revu. Il aimerait bien, pour dire merci. + Et puis la vie continue, y a rien à dire. Il est paumé, il a oublié qu'il existait mieux que ce qu'il vivait au quotidien. Ça lui suffit comme ça. Il a grandi trop vite, et le monde des adultes est si difficile à comprendre, si violent, dépravé, dépourvu de tout bon sens. + Il n'a rien contre les vampires. A eu quelques aventures avec certains d'entre eux. Il n'en pense pas grand chose. + Il n'a jamais essayé la drogue, mais l'alcool lui est réconfortant. + Une fois, il a frappé un client. Entre les jambes. + Il n'a jamais vraiment eu d'amis. Non pas qu'il y soit hostile, mais le milieu n'était pas vraiment approprié. Il y a bien eu, une fois, une prostituée qui lui inspirait la sympathie. Jeune et belle, bien trop belle pour s'être retrouvée là. Puis elle s'était mariée et était partie. + Une nuit passée avec lui, en chambre d'hôtel se prend entre 500 et 700 dollars. Chez le client directement, ça plafonne à 1000. + Le reste, c'est à vous.