trouble.

→ tenue.

Les flashs lui bousillaient les rétines et si son corps n’était déjà pas mort depuis près de quatre-vingt ans, elle aurait pu planter le photographe pour son agression envers ses prunelles adorées. Heureusement, un corps mort signifiait qu’elle n’avait pas à se soucier de sa vue. Logiquement, aucun châtiment ne pouvait dépasser la douleur d’une mort, n’est-ce pas ? Ce fut donc ainsi que la belle nord-coréenne se retrouva à mouvoir l’entièreté de son corps sous les yeux du personnel, feignant des sourires et des regards charmeurs. Comme si la personne qui tenait en ses mains un catalogue de lingerie allait s’attarder sur ses beaux yeux plutôt que sur sa peau. La période hivernale étant doucement en train de s’éteindre, les chauffages n’étaient plus enclenchés – et sans vouloir paraître vulgaire, l’envie de hurler qu’elle se pelait le cul était présente plus que jamais. Allez vous balader en sous-vêtements dans un studio sujet aux courants d’airs et vous verrez si l’été est arrivé.

On déposa un peignoir blanc sur ses épaules et elle se sentit de nouveau respirer, le front appuyée contre sa coiffeuse. Qu’allait-elle faire aujourd’hui ? Elle s’ennuyait d’avance. L’idée d’être un vampire lui plaisait de moins en moins. C’était marrant au début. L’immortalité, la jeunesse, tout ce bordel. Maintenant c’était une routine presque lassante et morose qui s’annonçait. De toute façon, Park Moon n’avait pas prévu de vivre longtemps, non. D’ici quelques années, quand elle serait définitivement gonflée, elle finirait par se suicider. Depuis le jour où elle avait accepté de se faire mordre et de sucer en retour, c’était imprimé quelque part au fin fond de son cerveau. La vie éternelle n’était pas faîte pour elle. L’adrénaline commençait progressivement à ne plus circuler dans ses veines malgré le fait qu’elle continue à vivre de la même manière qu’avant. Peu importe le nombre de personnes qu’elle pouvait cartonner, l’excitation n’était plus là. La jeune fille commençait à se faire … vieille ? Peut-être un peu.

Mais non, elle était toujours aussi belle et rayonnante, voyons.

Miroir, mon beau miroir… souffla-t-elle doucement avant de se faire interrompre par son agent qui lui annonça que sa journée était achevée. Sa tête s’inclina presque poliment et son visage se tourna de nouveau vers son propre reflet, un léger sourire se peignant sur ses lèvres. Avait-elle dit qu’elle n’avait rien à faire ? Oh, non. Bien sûr que non, ce soir elle était de sortie. Comme d’habitude, sa majestueuse personne allait honorer un club de la ville. Après tout, elle y entrait gratuitement vu les personnes qu’elle amenait. C’est sur ces pensées qu’elle introduisit les clefs dans la serrure, poussant la porte de son appartement avec l’appréhension de voir Seth vautré sur le canapé. Pas qu’elle le détestait, mais les choses avaient plus ou moins changées. Son ancienne routine qui consistait à le voir à peu près tous les jours s’étaient petit à petit transformée en une relation bizarre où il fallait qu’il soit loin d’elle – mais pas trop. Le Bon Dieu l’avait entendue puisque sa présence ne se faisait visiblement ressentir nulle part. Moon posa un pied chez elle et laissa traîner ses affaires au sol, lançant son sac et sa veste sur le canapé. Sa salle de bain fut sa seule direction, semant par ci par là ses vêtements avant de retrouver la chaleur de l’eau chaude coulant sur son corps.

Le tapement incessant des basses résonnait depuis l’extérieur de la boite, c’est avec un fin sourire que sa démarche l’entraîna à l’entrée. Habituellement, n’importe qui était sommé de faire la queue – mais pas lorsque l’on se nommait Park Moon. Dès lors qu’elle dépassa les personnes du fond, des protestations se firent vivement entendre. Néanmoins elles se turent rapidement dès lors que la belle se retourna. Certains continuèrent à vociférer, bien entendu. Ce n’était pas parce qu’elle possédait une petite notoriété qu’elle devait passer avant tout le monde – disaient-ils. Son regard se posa sur une silhouette connue parmi la foule et sa petite main blême lui attrapa l’avant-bras afin de l’attirer à elle quand un videur s’approcha de la jeune femme. Une légère inclinaison de la tête lui suffit pour entrer devant tout le monde, son captif toujours prisonnier de son étreinte. Ils gravirent les escaliers ensemble et ce fut une fois à l’intérieur, l’ouïe saturée par des musiques au son électro, que la petite vampire lâcha son petit humain presque préféré. Avait-elle dis qu’elle le voulait loin d’elle ? Elle retirait ses mots. « De rien. » Articula-t-elle en arquant un sourcil, son sourire se transformant en quelque chose de narquois voire malsain. « J’imagine que tu vas me payer un verre ? »

ma gueule

En ce moment j'avais l'impression que ma vie était un concentré de tout et surtout n'importe quoi. J'avais également cette sensation étrange qui me titillait l'esprit, celle qui vous dit que vous étiez censés faire quelque chose, mais vous savez pas quoi parce que vous avez pas envie de réfléchir. C'était précisément mon cas. Et en plus de ça, j'étais atteint d'une flemme aiguë que j'avais probablement chopé en... Ne faisant rien, qui m'empêchait de bouger de mon plumard depuis deux jours. Quarante-huit heures que je fixais ce putin de plafond devant mes yeux. Une activité passionnante me direz-vous, qui faisait dorénavant partie intégrante de la monotonie qu'était devenue ma routine depuis que j'avais fais le fou en sautant d'un immeuble pour faire le beau devant Jae Woo. Il y avait aussi cette vilaine altercation que j'avais eu avec un vampire à cette soirée merdique à laquelle Shin Il m'avait convié. Ceci dit le terme merdique ne s'appliquait que pour moi ; lui il était reparti avec un nouveau calice, moi j'ai juste faillit crever. Résultat des courses:  des méchants bleus et un dos cassé en deux. Heureusement maintenant les bleus n'étaient presque plus visibles, et j'avais économisé mon dos au max histoire de me rétablir le plus vite possible.

J'me demande si Moon a remarqué mon absence... Enfin quelle question. Bien sûr qu'elle l'avait remarqué puisque sa maison était devenue mon deuxième squat. La vraie question serait plutôt, est-ce que j'lui manque ! Mais j'crois pas avoir envie de savoir ce qu'elle pense vraiment, je risquerais d'être déçu. Non en fait j'préfère continuer à fantasmer sur elle en me grattant les couilles. C'était ce que je faisais de mieux sans risquer de faire une énième connerie. Toute façon à cette heure-là elle devait très certainement être en train de torturer une vieille qui aurait eu le malheur de la saluer avec un sourire. Ou alors elle était en train de taffer. Mais j'avais envie de croire à la première hypothèse, c'est la plus tripante. Tiens ça m'fait penser que j'ai toujours pas parlé à Shin de mon gros kiff sur elle...J'devrais peut-être le faire ; il pourrait me filer quelques tuyaux sur comment draguer un vampire. Parce que l'unique référence que j'ai en matière de surnaturel c'est Twilight et la seule chose que j'avais retenu du bouquin c'était que les vampire scintillaient au soleil. Inutile de vous raconter mon désappointement lorsque j'ai réalisé que c'était totalement faux.

Ah merde je sais ce que j'étais censé faire. Mon boulot. Parfois, et surtout en ce moment j'avais tendance à oublier qu'en plus d'être calice à plein temps et dealer de stream le soir, j'étais aussi un prof. Principal qui plus est. Avec des élèves qui étaient censés passer un exam à la fin de l'année. C'est bizarre que personne ne m'ait appelé en plus... Est-ce que ça voulait dire que j'étais encore viré ?  J'leur laisse même pas une semaine avant qu'ils me rappellent en panique pour reprendre en charge cette classe de barges. C'est ce qu'ils ont fait les deux dernières fois. En attendant c'était le week end, et il était hors de question que je reste une minute de plus dans cette piaule à glander comme un bouffon. Enfin ça c'était ce que j'étais censé me dire. N'oublions pas que j'avais la flemme de tout, et surtout de bouger mon cul pour sortir j'sais pas où. D'autant plus que personne ne m'avait proposé de sortir ce soir. En fait je crois que tout le monde s'en branle de ma personne. J'me suis levé tant bien que mal pour me mettre dans un premier temps assis, ensuite j'ai doucement fais craquer mon dos en me penchant vers l'avant et me suis décidé à aller me doucher parce que finalement, ce soir j'allais sortir. Je sais pas encore où, mais je finirais très certainement en boite :je tombe toujours sur des gens que j'connais.

J'ai emprunté la bagnole de Sun et roulé jusqu'à cette boite de Gangnam dont on m'avait venté maintes fois les mérites et où les boissons, la musique et les meufs avaient toutes le même qualificatif : bonnes. J'me suis incrusté dans la file d'attente en observant discrètement la marchandise tout autour de moi ; robes, attributs mammaires, cheveux, jambes... Rien que m'imaginer danser avec l'une de ces nanas autour de moi commençait à me donner la trique. Je fus soudainement coupé dans mes pensées lorsque je sentis une main me prendre par le bras pour me sortir de la file d'attente. J'étais tellement surpris de voir Moon que je me suis docilement laissé faire, sans dire un mot devant le videur de la boite qui nous a miraculeusement -ou pas- laissé rentrer à l'intérieur, dépassant un bon nombre de personnes qui attendaient depuis bien plus longtemps que moi.

C'est Moon qui a prit la parole en première, me régalant une fois de plus de  son cynisme sans égal tandis que je continuais à la regarder avec, j'en suis sûr, une tête d'ahuri. « Heu... Ouais s'tu veux, un verre. Pas de problèmes ! Attends ! » J'ai même pas pensé à lui demandé quoi, en fait c'est une fois arrivé au bar que j'ai réalisé que j'avais aucune idée de ce dont elle avait envie. Alors j'ai commandé un truc au barman, au hasard, et me suis barré en lui demandant de mettre les boissons sous le compte de mon meilleur pote assit là bas.  « Tiens, j'sais pas trop c'que tu voulais, donc j'espère que ça t'ira. » Ça m'étonnerait.  « Merci » ajoutais-je avant de boire mon verre d'une traite. J'avais les yeux grands ouverts et la scrutais sans gênes de haut en bas. Ce soir plus que jamais je la trouvais atrocement canon. Dommage pour moi, j'étais raide dingue d'une lesbienne.  « T'es la dernière personne que je m'attendais à rencontrer ici, tu m'suivais avoue, je suis sûr que ça t'a manqué de plus me voir squatter le canapé de ton salon. »

« Je – … » Pas le temps de jouer les princesses pourries gâtées imposant leur opinion que le jeune calice s’était déjà joyeusement élancé vers le comptoir. Le mannequin cilla, sa bouche encore entrouverte, une main suspendue dans les airs comme pour le retenir, puis elle la laissa retomber contre sa cuisse en claquant, un fin sourire dessiné sur ses lèvres. Avait-elle précisé à quel point ce type-là était irrécupérable ? Ce n’était pas très grave – en fait, c’était même très divertissant. Après tout, ce jeune homme était son petit jouet, non ? Il se devait de la distraire d’une bonne manière. Moon aurait pu le suivre jusqu’au bar, rattraper son inappliqué de connaissance, mais n’en fit rien. En fin de compte, c’était tellement mieux de se faire servir plutôt qu’utiliser ses longues jambes. On ne savait jamais : quelqu’un pourrait d’ores et déjà lui sauter dessus et se frotter à elle. Néanmoins sa certaine fatigue ne lui permettrait pas de prétendre les jeunes filles tendres et adorables pendant longtemps. Ses yeux cherchèrent furtivement un endroit où se poser et elle trouva une table vide juste derrière elle. Ses pieds effectuèrent quelques pas en arrière et la créature de la nuit se retrouva assise, un coude appuyé contre le plastique, sa menton contre la paume d’une main tandis que son homologue jouait de ses ongles. Le tapement incessant de la musique couvrant la mélodie qu’ils effectuaient contre la matière.

Il ne fallut pas de temps que cela pour que Seth revienne. Il trottinerait presque. Bon garçon. Ce qu’elle pensait de lui ? Beaucoup de choses, et pas tant à la fois. Au début, elle était persuadée que ce serait un bon jouet, et il s’était révélé être un tantinet mieux. Un bon jouet soumis. Regardez-le ? Aux petits soins pour elle. Enfin, ce n’était pas exactement la bonne formule, mais toujours était-il qu’il exécutait tous les moindres de ses désirs. Moon avait cherché à savoir s’il y avait une limite dans son dévouement pour elle – toutefois, pour l’instant elle s’était retrouvée bredouille. Habituellement, elle avait à faire à des hommes dont la fierté et l’égo dépassaient l’entendement, ils se voulaient souvent être supérieurs et dominant sous prétexte qu’ils étaient des hommes et qu’un truc hideux pendait entre leurs jambes. Si ça la gonflait ? Énormément. Tomber sur Seth avait été une bonne chose. Et puis, c’était lui qui l’avait cherché, au fond. Oui, la vieille nord-coréenne s’amusait plutôt bien.

Ses doigts se tendirent pour attraper le verre qu’il lui offrait. Elle se sentait presque coupable de le faire payer alors qu’elle était bien plus riche que lui – non, en vrai ça la faisait juste marrer de le voir se plier à tout. Si bien que Moon en vint à se demander si il serait capable de se foutre dans la merde pour elle. Parce qu’elle trouverait ça juste stupide et elle lui passerait le savon de sa vie. Règle numéro un : ne jamais s’embêter pour les autres, et encore moins pour une personne qui ne le ferait pas pour vous. Elle n’était pas tout à fait sure qu’il connaisse ceci. « Ça me va très bien. » Articula-t-elle. « Mais un seul ne me suffira pas. » Continua la jeune fille avec un sourire malicieux. « M’enfin merci ! » Il descendit son verre d’un seul coup et son sourire s’agrandit davantage, s’il était rapidement saoul, elle aurait de quoi s’amuser encore plus. Se contentant simplement de tremper ses lèvres dans le liquide alcoolisé, la jeune fille releva ses yeux vers son interlocuteur qui venait de reprendre la parole. Si elle s’était langui de son absence ? Hmpf. « Ah, c’est ça ! » S’exclama-t-elle subitement en tapant son verre contre la table. « Je me disais bien qu’il manquait une odeur désagréable dans mon salon. » Cela dit, elle était quasiment certaine qu’il s’attendait à quelque chose de ce genre. Mais soutirer des douces paroles au mannequin était … impossible ?

Sa main attrapa son poignet et elle le poussa sur le côté afin qu’il s’assoit face à elle, le regard rivé vers les silhouettes sur la piste de danse. Puisqu’il était encore plus ou moins tôt, la salle n’était pas bondée. Cela ne saurait tarder, de toutes façons. « J’t’ai fait passer parce qu’avec ta gueule de délinquant c’était quasi couru d’avance que tu poireautais dehors. » D’accord, elle exagérait peut-être un peu. « Donc, en échange tu as ordre de me signaler si tu vois une jolie fille, mais faut qu’elle sache bien danser parce que sinon c’est nul. » Ou alors peut-être qu’elle allait le lancer lui sur la nana en question et se délecter de tout ce qui allait se passer, c’était à voir. Deux filles, même ! Ou trois ? Lui construire un harem. Quel chanceux, ce ne serait pas toutes les demoiselles qui auraient en tête de lui faire ça. Quel malchanceux que celle qu’il veut ne soit pas l’une d’elles. « Alors ? Tu vas me dire ce que t’as foutu tout ce temps où tu n’as pas obstrué mon champ de vision ? Pour que finalement j’te retrouve ici. Si tu veux une confidence : moi non plus j’aurais jamais cru te voir ce soir. Ça doit être le destin. » Elle laissa quelques secondes de silence avant de partir dans un fou-rire. Destin ? Ce qu’elle était drôle.
Quelle connerie.

C'était assez marrant de voir comme la situation avait changé. Au début et suite à un petit malentendu, Moon s'était crue chez mémé en se permettant de venir squatter chez moi -un peu comme une coloc-  sauf qu'elle, elle créchait dans mon appart' gratuitement. Je pouvais m'estimer heureux qu'elle ait pas balancé à tout le monde que je m'amusais à raconter avoir serré des meufs juste pour cacher le fait que j'étais encore puceau. D'ailleurs j'ai toujours pas compris pourquoi elle était rentrée dans mon jeu, et j'pense que j'le saurais jamais. Au fil du temps je m'étais habitué à la voir vautrée sur le canapé du salon. Tellement bien que je me suis rendu compte que j'étais raide dingue d'elle. Donc lorsqu'elle a commencé à déserter les lieux parce que j'étais devenu le calice d'un autre vampire, c'est moi qui me suis invité chez elle sans lui demander son avis. Je me suis discrètement senti les aisselles lorsqu'elle a parlé de mon odeur avant de percuter qu'elle parlait de celle de Shin.  « T'as ressenti un manque, c'est déjà ça ! » Je lui lançais un sourire avant de me laisser une nouvelle fois agripper par la main. Elle me fit assoir face à elle, me laissant une superbe vue sur la piste de danse et les nanas qui s'y trémoussaient. Il m'a d'ailleurs fallut faire un effort pour ne pas ouvrir la bouche trop grand histoire de pas passer pour un puceau en chaleur. Ce que j'étais, inéluctablement.

« Tu trouves que j'ai une gueule de délinquant ? » Certes, elle était loin d'être la seule à me l'avoir fait remarquer mais sûrement la première qui l'a fait de manière aussi explicite.  « Ça doit être les tatouages. » Ou les piercings. Ou les fringues. J'me suis maté vite fais dans le verre que j'avais dans la main pour voir si effectivement, j'avais le physique d'un boloss mais le manque de luminosité, plus le fait que le verre ne reflétait pas grand chose obstruait quelque peu mon jugement personnel.  « Y'en a une juste en face de moi justement » lui répliquais-je une nouvelle fois accompagné d'un sourire. Moon était, pour parler normalement, très jolie et si j'peux me permettre, carrément bandante. Je ne lui ai pas caché le fait que j'étais attiré par elle et d'ailleurs elle savait très bien que je la kiffais. Et elle se servait souvent de ça pour me faire faire des trucs complètement dingues. En fait pour elle j'étais qu'une distraction mais au fond, je m'en fous un peu puisque ça me permet de passer du temps avec elle.  « Et j'suis sûr que tu danses très bien en plus » D'ailleurs je tuerais pour voir ça.  Faut dire que j'suis pas trop exigeant en matière de danse, suffisait que la meuf sache bouger son boule pour que je la considère comme la Janet Jackson coréenne.

J'ai enroulé mon bras autour de ses épaules -sachant très bien qu'il ne resterait pas là très longtemps- en me tournant vers elle. Ce qu'il m'était arrivé ces dernières quarante-huit heures ? Trois fois rien. Je m’apprêtais à lui répondre jusqu'à ce que le mot « destin » parvienne jusqu'à mes oreilles.  « Tu crois au destin toi ? » Le pire c'est qu'elle avait raison ! Quelle était la probabilité pour que, sur toutes les boites qui existent à Séoul et le nombre de personne qui les fréquentent, je tombe sur Moon ?  « J'ai failli crever parce que j'ai provoqué un vampire. Il m'a éclaté contre une table et était à deux doigts de m'arracher la tête. Un type -qui entre temps est devenu le deuxième calice de mon vampire- m'a sauvé la peau in extremis. S'il avait pas été là j'serais mort à l'heure qu'il est » Rien que de repenser à ça me faisait grimacer. Et je sentais encore mon dos se plaindre de la douleur que lui procurait ce souvenir.

 « J'ai aussi fait le fou en me ramassant du haut d'un immeuble. Du coup je pouvais plus bouger pendant deux jours, j'étais cloué au lit. » Les joies de faire partie d'un gang où la plupart des membres étaient des pseudos Yamakasis. J'ai volontairement laissé un blanc de quelques secondes avant de reprendre la parole  « Je suis sûr que t'aurais pleuré ma perte si j'avais été mort ! » J'aimais bien la taquiner sur ce genre de choses sachant pertinemment qu'elle n'en avait rien à faire de ma gueule puisque le seul point qu'on avait en commun elle et moi malheureusement (et j'insiste sur le malheureusement), c'est qu'on aimait tous les deux les filles. Ensuite j'ai reporté à nouveau mon attention sur celles qui se trouvaient sur la piste de danse et en désigna une d'un mouvement de tête.  « Celle là, elle est mignonne. Avec sa robe rouge près du bar. »

Son sourcil s’arqua au-dessus de son œil et elle ne put empêcher un léger sourire moqueur. Un manque ? Pas vraiment. Un soulagement, plutôt, oui. Bon, elle s’ennuyait un peu, mais au moins elle n’avait pas l’évidence sous les yeux qui était le fait qu’on lui avait volé le jouet qui, autrefois, fut son préféré. Depuis, elle n’en avait plus obtenu un seul. Par non envie. Les calices, ce n’était pas vraiment son truc. Et si elle se faisait encore subtiliser un humain, il y avait de très fortes chances qu’elle finisse par le tuer. Et son maître avec. Le pire dans toute cette histoire restant indéniablement le fait qu’elle avait l’impression de connaître l’odeur qu’il dégageait. Seth et Moon devaient avoir un vampire en commun. Son odorat ne pouvait pas la tromper. Néanmoins, la jeune femme ne cherchait pas à savoir de qui il s’agissait. Par appréhension de la réponse ? Peut-être. Il n’y avait pas de raisons précises si ce n’était qu’elle essayait de faire des efforts de self-control, et que perdre les pédales si tôt était déconseillé. Dix ans en arrière, elle aurait décimé la moitié des fêtards en boite sans la moindre once de regret. Serait-elle en train de mûrir, au bout de quatre-vingt-dix-neuf ans d’existence ?
Ahah, non, sans doute pas.
C’était la fatigue, simplement.
Oui, c’était juste de la fatigue.

« Une vraie tronche de cake. » Confirma-t-elle en haussant les épaules, son regard scannant la pièce avec lassitude à la recherche de quoi que ce soit qu’elle pourrait mater – mais rien. Son attention se reporta sur le calice à l’odeur repoussante quand il supposa que c’était ses tatouages. Elle eut un faible rire moqueur qui se coupa net dès qu’elle eut le loisir de le voir attraper un verre afin de s’en servir de miroir. Etrange, ce type. Bien entendu, la vampire savait pertinemment que ce garçon avait des cases en moins – mais quand même, pensait-il très sérieusement pouvoir apercevoir son reflet dans une pièce sombre et avec un objet en verre ? Crétin. Elle secoua la tête, agitant ses cheveux sur ses épaules alors qu’il lui répliqua qu’il avait une jolie fille sous les yeux. Ses yeux roulèrent vers le plafond. Moon aurait dû s’y attendre. Bien sûr qu’elle était jolie. C’était son métier, on le lui disait tous les jours. C’était tout ce qu’elle avait. Personne ne lui confierait qu’elle est autre chose que plaisante à regarder. Son caractère était hideux. Je sais. Déclara la jeune fille simplement. « Et je sais probablement danser mieux qu’elles. Mais mieux vaut pas que je me lance sur la piste maintenant, la jalousie va être insupportable. » N’oublions pas que la coréenne était modeste, avant tout.

La brune lui offrit un regard en travers dès qu’il osa la toucher. Depuis le temps, ne savait-il pas que c’était insupportable ? Le côté tactile. Bien plus avec sa nouvelle odeur ( enfin, nouvelle, non … ). La petite mannequin ne la supportait pas. Cela lui rappelait qu’on avait empiété sur son territoire. C’était déplaisant pour une jeune princesse capricieuse, constamment habituée à ce que l’on plie sous ses ordres et ses volontés. « C’est des conneries. » Le destin ? Quelque chose de concret ? L’idée ne l’avait pas effleurée une fois dans sa vie. L’idée de se dire que tout est déjà prémédité et que, peu importe nos actions, on retombe au même point ne l’enchantait pas. La seule destinée en laquelle elle croyait, c’était la mort. Chaque être vivant se devait de mourir un jour. Vampire inclus. Même si c’était après de longues décennies. L’essence même de la vie résidait dans la mort et dans cette inlassable spirale. Le reste, c’était des conneries. Elle était contrariée, à présent. Elle dégagea son bras enroulé autour de ses épaules et fronça les sourcils, agacée.

La jeune femme avait tendu l’oreille afin d’écouter les dires de son – suicidaire – petit humain, regardant ailleurs. Provoquer un vampire ? Quel crétin. Sauter d’un immeuble ? Quel crétin. Ce type était un interminable boulet du début jusqu’à la fin. Pourquoi est-ce qu’elle restait à ses côtés, déjà ? Franchement, elle n’en savait rien. Un rire moqueur s’échappa de sa gorge lorsqu’il s’exclama subitement qu’elle allait probablement pleurer sa perte. Les décès d’humains, elle en avait vu des milliers. Ce n’était pas parce qu’il était un peu différent qu’elle allait se renommer Madeleine et se vider de son eau. « Oh, oui, j’aurais pleuré de joie. » Persiffla-t-elle en retournant ses prunelles sombres vers lui. « Et de rire, parce que tu serais mort en étant puceau, et ça, ça aurait allégé ma vie éternelle. » Ecoutant de nouveau sa voix – elle se rendit compte à cet instant qu’elle aimait bien sa voix, tiens – son regard vint se poser sur la dîtes femme.  Son nez se plissa. Hm. Elle préférait les blondes, quand même. Puis finalement, sa grimace se transforma en un immense sourire. Son corps fit de nouveau face à celui de Seth, et elle positionna ses genoux sur le banc, s’approchant de lui en lui tenant les joues avec sa main. « Tu la veux ? » Petit sourire en coin. « C’est mon cadeau de rétablissement. » Elle approcha son visage jusqu’à ce que ses lèvres soient à la hauteur de son oreille, venant lui chuchoter ; « Même si la prochaine fois j’espère qu’on te ratera pas. » Son annulaire vint se poser en dessous de son menton et elle lui fit remonter la tête vers elle, son regard plongeant dans le sien. « J’aimerais quand même que tu me dises son identité, si tu la connais. » Moon avait froncé les sourcils, c’était gentiment formulé mais il s’agissait d’un ordre. « Je me suis réservé le droit de te ôter la vie. »

Son frêle corps se retira de la proximité et elle revint sur ses pieds, lui tendant la main. « Aller, viens, je vais te chercher ta nana. »

Je suis sûr que si j'expliquais aux autres mon attirance pour Moon ils me poseraient tous la même question ; pourquoi. Pourquoi ? J'avoue que si j'devais répondre à l'interrogation il me faudrait un peu de temps pour trouver des arguments en sa faveur. Elle était tout un tas de choses peu flatteuses mais surtout très chiante et il fallait s'accrocher pour la suivre : s'il y avait bien un truc que j'avais appris à faire avec cette meuf durant ces longues journées passées en sa compagnie c'était de prendre tout ce qu'elle me disait à l'envers. Une tronche de cake ? Laissez-moi rire ! Traduction ; elle me trouvait beau gosse. Et surtout, on s'éclate bien tous les deux. Bien sûr ça lui arracherait la gueule de l'avouer mais je ne la retenait absolument pas de partir et pourtant c'était elle qui avait commencé à envahir mon appart' et qui m'a gentiment offert sa compagnie pour ce soir. J'avais aussi cette capacité à ne pas prendre tout ce qu'elle me disait au pied de la lettre ; le fait de ne pas être susceptible était mon petit secret pour apprécier cette fille.  « J'aimerais bien voir ça... » Oh oui, j'ai pas encore eu la chance de mater Moon bouger son cul sur de la musique, et dans cette tenue ça devait valoir le coup d’œil... Mais j'avais intérêt à la garder près de moi ce soir et ne pas la perdre au beau milieu de tous ces chiens en chaleur. D'autant plus qu'avec elle j'devais être doublement méfiant vu qu'elle tapait dans les deux terrains. Autant les mecs qui avaient le malheur de l'approcher pouvaient être mis K.O par une bonne droite autant je ne pouvais rien faire face à deux airbags.

Comme de juste, ma jolie suceuse de sang adorée se libéra de mon bras d'une manière telle qu'elle m'arracha une petite grimace de frustration. Déjà ? En même temps il s'agissait de Moon, fallait pas s'attendre à ce qu'elle pose sa tête contre mon épaule. Non je pense que ce soir j'avais franchis un cap ; il y a peu elle s'en serait pris au bras qui avait osé s'enrouler autour de ses épaules. Déjà que la dernière fois elle m'avait pété les tibias parce que j'avais essayé de l'embrasser. Entre Moon et mes délires Yamakasis, j'avais développé une résistance à la douleur assez impressionnante. J'avais tellement l'habitude d'avoir un truc de cassé que les jours où je ne me blessais pas, l’hôpital téléphonait chez moi pour s'assurer que j'étais encore en vie. Ne prenant même pas la peine de relever sa phrase je la laissais dans son délire de « le destin c'est de la merde, le monde c'est de la merde, la vie c'est de la merde, tout n'est que merde sauf moi bien évidemment » en retenant un rire. Moon était bizarre. Encore plus que moi. J'aimerais bien savoir s'il s'était passé quelque chose dans sa vie qui l'avait rendu comme ça ou si c'était de naissance.

Par contre, j'ai pas pu me retenir lorsqu'elle m'a sorti qu'elle aurait pleuré DE JOIE à mon enterrement.
Lol.
Devais-je rappeler que dans le manuel d'utilisation du Park Moon il est stipulé que tout ce qu'elle pouvait dire de tranchant était à prendre au sens opposé ? Hahaha !! Bien sûr ma petite Moon, bien sûr... Mais je note quand même que tu seras présente à mes funérailles, ce qui me touche profondément ! Ensuite je me suis arrêté net lorsqu'elle plaisanta sur le sujet sensible. Puceau... Ce mot me faisait trembler l’œil droit. Parce qu'elle trouvait ça drôle peut-être?  « Tu sais Moon, il y a des sujets sur lesquels on a le droit de plaisanter comme heu... J'sais pas moi, des trucs... Drôles, mais te moquer de ça, je trouve ça très bas... Même venant de toi! Pour ta gouverne, je ne suis pas une pute, je me jette pas dans les bras de n'importe qu'elle nana ! Il faut qu'elle soit belle, avec de gros seins. Sinon crois moi ça ferait longtemps que j'serais plus... Comme ça ! » Sérieux, j'étais même pas capable de prononcer le mot « puceau » à voix haute. C'était tellement dégradant pour ma magnifique personne ! Me réduire à cet adjectif... Il faut vraiment que je fasse quelque chose pour qu'on arrête de m'associer à ce mot.

D'ailleurs ce soir c'était peut-être la chance de ma vie avec cette fille que j'avais repéré... Peut-être qu'elle allait me libérer de ce fardeau.  « Ouais j'la veux ! » J'étais tellement concentré sur cette inconnue que j'avais à peine remarqué Moon jusqu'à ce qu'elle souffle quelque chose dans mon oreille qui ressemblait au mot « cadeau ». Un cadeau ? J'ai eu un petit mouvement de recul, fronçant les sourcils devant une Moon beaucoup trop proche de moi. C'était à la fois excitant et pas très rassurant. Et ça me mettait un peu mal à l'aise (comme d'habitude me direz-vous). C'est pas faute d'avoir essayé d'éviter son regard à défaut de prendre mes jambes à mon cou, mais Moon me força de nouveau à la regarder, ne me laissant que la liberté d'ouvrir la bouche de stupéfaction.  «L'identité de qui.. ? » J'avais complètement oublié de quoi, ou manifestement de qui on parlait juste avant cette proximité jusqu'à ce qu'elle parle de me tuer elle-même. Cette meuf était folle.  

Toujours un peu choqué, je l'ai regardé sans cillé se lever posant un coup mes yeux sur elle, puis sur sa main tendue vers moi avant de finalement la prendre, me rappelant que les occasions où elle me laissait l'effleurer étaient trop rares pour les laisser filer. Sauf que je connaissais trop bien Moon pour que je la laisse m'arranger un coup. Il y avait de fortes chances pour que la fille termine avec elle et j'avais déjà  supporté ce spectacle trop de fois pour me faire encore avoir ce soir.  « C'est gentil ma petite Moon, mais j'vais aller me la chercher tout seul ! » Et sur ces paroles censées, je me suis dirigé vers ma nouvelle proie toujours posée près du bar. Technique classique du mec cool pas du tout puceau ; je me suis tourné vers elle, le coude tout simplement appuyé contre le bord du bar, mains croisées. « Salut ! » Cette fille me regardait un peu bizarrement ; n'ayant pas réussi à obtenir une quelconque réciprocité j'ai exagéré un rire pour ensuite reprendre tranquillement  « Laisse moi deviner ; tu t’appelles Biscotte c'est ça ? Parce que t'es vraiment craquante !» Son regard emplit de dépit ne m'a pas dégonflé, bien au contraire j'ai surenchérit sur un  « J'espère que si tu veux pas me dire ton prénom c'est pas parce que t'es une terroriste parce que t'es vraiment une bombe ! » qui arracha finalement un rire à l'intéressée -chose à laquelle je ne m'attendais absolument pas- et qui m'offrit le luxe de l'inviter à danser -chose à laquelle je m'y attendais encore moins. Elle m'a prit par le bras et j'ai fièrement emmené ma conquête danser en ne manquant pas de faire un clin d’œil à Moon en me dirigeant vers la piste de danse.