Le petit Poucet

Le petit Poucet

« feat Mathewsen Jude »

Je me lasse, c’est si triste à dire. Toute l’éternité devant moi et pourtant si peu d’intérêt pour ce monde. Mais je crois que je me suis trouvé une nouvelle distraction. J’espère qu’il pourra se montrer à la hauteur de mes espérances – si minimes soient-elles, mais je n’aime pas perdre mon temps. Il s’appelle Jude Mathewsen. Je ne sais pas d’où il vient, mais je vais le découvrir. Je ne suis pas pressé pour ça. Et puis ce n’est pas ce qui m’intéresse en premier lieu. C’est très rare qu’un humain suscite ma curiosité. Cela ne m’est arrivé qu’une fois, avec Mai. Pourtant, il est tellement différent d’elle. Il me semble qu’il a deux enfants, dont je me fiche pas mal. Mais ils pourraient être encombrants, suivant mes projets. Mais pour l’heure, la question n’est pas là. Je sens que son corps est affaibli, qu’il lutte pour vivre. Lutter … c’est bien le mot. Car pour le moment, je ne l’ai pas vu recourir à des solutions faciles. Il n’est pas devenu un Calice, par exemple.

Mais je m’égare. De si peu, cela dit en passant. En fait, je pense à Jude car cette pièce est imprégnée de sa présence à lui. J’entendis un éclat de rire et je souris, me retournant derechef. A l’aise, comme s’il s’agissait de ma propre maison, je déambulais dans les couloirs laissés sans surveillance. Quelle femme inconsciente. Je pianotais sur les murs, me demandant comment procéder. Je décidais de me faufiler derrière l’enfant, susurrant à son oreille « tu as envie de jouer ? » et je disparaissais dès que l’enfant se retournait. C’est plus facile de communiquer avec les enfants. Ils sont moins peureux, étrangement. Celui-là était tout petit. Il fera l’affaire. L’enfant chercha encore autour de lui, mais ne trouva rien. Mais je voyais bien qu’il était intéressé. Alors je me faufilais à nouveau derrière lui. Mon souffle souleva une mèche de ses cheveux « j’en connais un bien drôle moi. Tu me suis ? ». Il murmura « oui, oui, je veux jouer. ». Il fallait que je fasse attention à ce que le second enfant ne me voit pas. Alors, aussi rapidement que je pouvais, je poussais le ballon rouge qu’il y avait à ses pieds, souflant « alors, suis-moi ». Les enfants ne se méfient jamais. Ils ne se doutent jamais qu’on leur veule du mal. C’est pour ça que c’est facile de communiquer avec eux.

L’enfant se précipita sur le ballon, que je poussais habilement, sans qu’il ne me voie. Il courrait maintenant derrière, désireux de l’attraper. Je laissais volontairement la porte de la maison ouverte. Sans être un obsessionnel, je savais très bien que Jude devait récupérer ses enfants aujourd’hui. Les portes ouvertes, ça donne tout de suite le sentiment qu’il y a quelque chose qui ne va pas. J’observais l’enfant qui continuait de courir dans la rue, prenant tout de même garde à ce qu’il ne se fasse pas écraser. J’en avais besoin. L’enfant hurlait de rire, voyant que le ballon lui échappait des mains à chaque fois. Moi, j’observais autour de moi, si je ne le voyais pas arriver. Mais non.

A au moins 50 mètres de la maison, je laissais tomber un bouton de la veste de l’enfant négligemment sur le sol et je m’éloignais. Cela me rappela un conte et je me pris à sourire, presqu’à rire. Mon étrange compagnon et moi, nous continuâmes à nous éloigner. On ne voyait plus la maison désormais et l’enfant riait toujours aux éclats. Pour le garder intéressé, je le laissais croire, de temps à autre, qu’il avait attrapé le ballon et hop, d’un coup furtif, le ballon repartait de plus belle, glissant entre les doigts de l’enfant.

C’était amusant tout ça. Mais je n’étais pas encore arrivé à destination. Jugeant que nous nous étions assez éloignés, par rapport aux précédent indice, je laissais tomber un autre bouton. Je ne sais pas bien encore ce que je voulais tester. Mais je continuais.